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Le Gallo et le Brezoneg

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Message par Belkën Mer 6 Nov - 17:14

http://7seizh.info/2013/11/06/les-enseignements-du-breton-et-du-gallo/

Le gallo, vers une reconnaissance ardue

L’autre langue de Bretagne est le gallo ou britto-roman. Elle se parle dans la moitié orientale du pays, en Haute-Bretagne (ou Pays Gallo).

La définition du gallo n’est pas consensuelle. Deux visions s’affrontent :

1. Dans la linguistique romane traditionnelle, on considère que le gallo est un dialecte du français (ou de la langue d’oïl au singulier, synonyme du français).

2. Dans une position plus récente qui est apparue dans les années 1970, certains voient le gallo comme une langue romane distincte du français. Ils transforment le concept de langue d’oïl au singulier en « langues d’oïl » au pluriel. Le gallo serait l’une des « langues d’oïl », le français en serait une autre, et le picard encore une autre, etc. Cette position est défendue par les mouvements culturels qui se consacrent au gallo (et à d’autres variétés d’oïl comme le poitevin-saintongeais, le normand, le picard, le wallon, le champenois, le bourguignon-morvandiau).

À ce problème de définition s’ajoute un problème de reconnaissance au sein même de la Bretagne. Les mouvements bretonnistes se partagent entre trois attitudes par rapport au gallo :

1. Certains militent pour une égalité absolue entre gallo et breton dans la construction de la Bretagne.

2. Certains reconnaissent le gallo comme une partie de la culture bretonne mais voient le breton comme la langue prioritaire.

3. Certains méprisent le gallo parce qu’ils le trouvent trop « français ». Ils ne défendent que le breton. Cette position me semble inacceptable.

Or, si les défenseurs du gallo veulent être plus efficaces, il faudrait qu’ils résolvent quelques problèmes récurrents :

1. Il n’existe pas de norme stable du gallo. Il y a différents essais de normes concurrentes. On a bien essayé de fusionner divers systèmes pour trouver une norme commune. Par exemple, une association qui s’appelait Bertaèyn Galeizz écrit maintenant son nom Bertègn Galèzz.

2. Les graphies du gallo manquent de réalisme. Elles se détachent des habitudes orthographiques des autres langues romanes. Cela rend le gallo inaccessible et ne lui donne pas le visage d’une langue romane normale. Une bonne orthographe du gallo devrait être : 1º similaire aux orthographes des autres langues romanes ; 2º légère, avec peu de signes diacritiques (peu d’accents, peu de trémas, etc.) ; 3º facile ; 4º stable ; 5º capable de représenter différentes prononciations locales. L’aragonais avait le même problème mais, maintenant, on propage une orthographe aragonaise ayant un aspect plus « roman » et plus acceptable.

3. Les débats sur la norme du gallo se concentrent trop sur la graphie. Ils négligent la forme des mots et ne fixent pas de gallo standard. Or, en sociolinguistique, on sait qu’une langue sans norme et sans standard ne peut pas se diffuser efficacement.

4. La fixation des mots et des expressions pose problème. On veut souvent créer des néologismes complètement différents du français, mais de cette manière, en réalité, le gallo se déconnecte de toutes les langues romanes. Pour parler de « dictionnaire » en gallo, on propose de dire motier (de mot + ier), ce qui est à contrecourant du reste du monde roman : en occitan diccionari, en portugais dicionário, en espagnol diccionario, en aragonais diccionário, en catalan diccionari, en français dictionnaire, en italien dizionario, en roumain dicționar, etc. C’est le problème bien connu de la distanciation maximale qui a fait tellement de mal à l’occitan lorsqu’on on voulait dire parlafòrt* au lieu de ràdio…

5. On prétend que le gallo est une « langue » distincte du français, mais sans utiliser les arguments de la sociolinguistique.

(5a) L’occitan a une structure radicalement différente de celle du français et, par conséquent, la distance est suffisante pour dire qu’occitan et français sont deux langues par distance (Abstandsprachen), selon le terme du sociolinguiste allemand Heinz Kloss.

(5b) Le gallo, par contre, a une distance faible par rapport au français standard et, par conséquent, il ne peut pas former une langue par distance. Si on veut faire du gallo une « langue » reconnue, il faut travailler sur sa forme de manière efficace et le transformer en langue par élaboration (Ausbausprache), selon un autre concept de Heinz Kloss. Il faut donner au gallo un fonctionnement indépendant de celui du français, avec une norme indépendante et, en parallèle, avec une identification culturelle des habitants à cette langue gallaise qu’il faudra rendre plus légitime que le français.

(5c) Pour être complètement cohérent avec la volonté de faire du gallo une « langue », il faudrait arrêter de dire que le gallo fait partie des « langues d’oïl » au pluriel. C’est un concept inefficace, pas clair et trompeur. Il est illusoire de croire que les gens feront facilement la différence entre les « langues d’oïl » au pluriel et une unique langue d’oïl qui est synonyme de français.

Tant que les partisans du gallo ne feront pas ces efforts, j’ai peur que le gallo ne soit pas capable, techniquement, ni de conquérir de nouvelles fonctions, ni d’être largement accessible au public, ni d’être reconnu unanimement comme une « langue », ni même d’arriver au niveau de valorisation du breton.

Ces suggestions, que je fais pour défendre le gallo, je les ai aussi formulées pour le poitevin-saintongeais[1].

Une comparaison doit être faite entre la Bretagne et l’Écosse. Dans chacun de ces pays, il y a, d’une part, une langue celtique standardisée (le breton en Bretagne, le gaélique écossais en Écosse) et, d’autre part, un idiome non standardisé qui est vu comme trop similaire à la langue dominante (le gallo qui ressemble au français en Bretagne ; le lowland scots qui ressemble à l’anglais en Écosse).

Ces difficultés techniques expliquent pourquoi les mouvements sociaux de Bretagne s’identifient davantage au breton qu’au gallo.

Cependant, si la conscience nationale de la Bretagne se développe, et s’il y a une volonté plus forte d’assumer la diversité linguistique de la Bretagne, cela pourrait encourager des linguistes militants à élever le gallo au rang de langue par élaboration. Mais il y a du travail à faire.

Domergue SUMIEN, chercheur en sociolinguistique, professeur d’occitan
Belkën
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Date d'inscription : 27/10/2010

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