Erosion de la Manche.

par **LORD** Jeu 29 Oct - 10:57

Boujou.

Quel sera le visage du département en 2025 ? La mer aura-t-elle grignoté la côte ? Le bocage normand perdura-t-il ? L'avis de deux spécialistes.

« Il ne faut pas faire de catastrophisme. La Manche ne sera pas recouverte en 2025 ! », plaisante Franck Levoy, professeur à l'université de Caen. « L'élévation du niveau de la mer, c'est plutôt pour 2050. » Depuis les années 90, il travaille avec le conseil général sur l'évolution du « trait de côte », cette frontière entre le monde terrestre et le monde marin. Des projections d'autant plus importantes que le département est cernée de trois façades maritimes et de quelque 330 km de littoral.

« Plusieurs zones sont néanmoins menacées par la montée des eaux. Des terrains situés en dessous du niveau de la mer », explique le chercheur. Il cite la Baie des Veys, où « les risques de submersion existent déjà. Les polders sont menacés par l'action des tempêtes. Car celles-ci vont créer des brèches dans les digues à l'état préoccupant » ; la côte est du Cotentin au sud de Saint-Vaast, où « les rares habitations pourraient être menacées de submersion » ; la côte ouest au sud de Barneville, où seules les dunes constituent des remparts naturels. « Il y a moins de risque dans le nord, où la côte est plus haute. »

Un laser pour prévoir inondations et érosion:

« La vitesse de recul du trait de côte est plus forte sur la côte ouest que sur la côte est qui apparaît plus stable. » D'un endroit à un autre, ce trait peut reculer d'une cinquantaine de centimètres par an à parfois plusieurs mètres. Les sites où ce trait fait le plus marche arrière : au sud de Saint-Jean-le-Thomas, à Montmartin-sur-Mer, ou encore à Hauteville-sur-Mer « qui pourrait être submersible par contournement ». Attention, submersion ne veut pas dire tsunami. « C'est de l'ordre du mètre. »

Pour prévoir ces inondations marines, mais aussi l'érosion des côtes, l'ensablement, un nouvel outil existe. Le Lidar, un laser embarqué dans un avion, permet, depuis février, de réaliser des relevés topographiques de très grande précision. Il étudie l'impact des changements climatiques sur les zones côtières.

Des changements qui peuvent aussi être positifs. « Après une tempête, l'érosion forte à un endroit peut s'atténuer demain. Tout est lié au transport des sables sur la côte, au régime des vents, des vagues. C'est très complexe. » De même, il n'y a pas que des zones terrestres qui reculent face à la mer. « La pointe d'Agon gagne chaque année sur la mer depuis 250 ans, grâce à la sédimentation. »

Durant trois ans, une vingtaine de chercheurs, dont Franck Levoy, vont travailler sur l'évolution de la zone située entre Hauteville et Blainville, urbanisée, érodée et où des cultures marines existent. Cette mission est pilotée par le ministère de l'Écologie.

Les élus seront invités à des réunions publiques, qui leur feront bien prendre conscience des risques à venir. « Les techniques pour limiter les risques de submersion sont faciles et peu coûteuses. Il suffit de créer des sortes de talus en terre et de bien les placer. » D'où l'intérêt du Lidar et de faire de la prospective.

Nadine BOURSIER.
Ouest-France