Fermeture du musée Jeanne d'Arc à Rouen

par Eryk Lun 12 Oct - 1:12

Jeanne d'Arc bientôt SDF à Rouen

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A VENDRE. Le musée Jeanne d'Arc va-t-il fermer et laisser la place à un restaurant ? Le propriétaire veut prendre sa retraite, mais son affaire n'intéresse personne.

Il a impressionné des générations de gamins. Et il fait encore rêver 20000 visiteurs chaque année. Des Anglais, des Allemands, des Belges, mais aussi des Japonais, des Russes, des Américains… ou des Normands.
Tous se laissent gagner par l’ambiance délicieusement surannée des mises en scène qui racontent la vie de la Pucelle. Les mannequins de cire vont-ils laisser la place à un énième restaurant sur la place du Vieux-Marché ? C’est la crainte d’Alain Préaux.
Le propriétaire du musée Jeanne d’Arc veut prendre sa retraite. Il a mis son affaire en vente : « Trois annonces par semaine pendant quatre semaines dans Paris-Normandie ». L’adresse, prestigieuse (juste à côté de La Couronne), lui a valu quelques touches. « Un coiffeur, quatre marchands de biens, un promoteur qui voulait faire des logements, et surtout des restaurateurs. L’adresse les attire, bien entendu, mais aussi la surface, 300 m² d’un seul tenant, et la sortie de service par derrière, qui donne sur la place Martin-Luther-King ».
Mais personne n’est candidat pour reprendre le musée. Alain Préaux joue cartes sur table. « Je mets en garde les privés qui voudraient se lancer dans l’aventure ». Pas assez rentable. Alain Préaux vend le droit au bail 250000€. La collection a été estimée par le cabinet d’expertise de Drouot à 228 000 €. Elle est composée d’une trentaine de mannequins, et de centaines d’objets se rapportant à Jeanne d’Arc. Alain Préaux la laisse à 200000 euros. Total : 450 000 €, plus le loyer qu’il faut assurer après. Le musée fait 70% de son chiffre d’affaires avec la boutique de souvenirs qui a pignon sur rue : il ne permet pas à un privé de s’en sortir.
Alain Préaux s’est donc tourné vers les collectivités territoriales. Aucune n’est intéressée. « Seule la Ville m’a répondu. En me disant qu’elle n’avait pas les moyens. C’est une réponse un peu bateau. Pourtant, si une collectivité est intéressée, je fais cadeau de la collection ». Si le droit au bail n’est pas cher, c’est qu’il y a quelques travaux à effectuer dans le bâtiment. « Il faut installer le chauffage, car il n’y en a pas, précise Alain Préaux, et refaire la toiture. Moi, j’ai tout investi dans ce musée, je n’ai plus les moyens de le faire ».
Il ne cache pas non plus qu’il ne comptait pas ses heures. « Le musée est ouvert de 9 h 30 à 19 en été, et de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h 30 le reste du temps. J’ai une vendeuse, qui fait 35 heures. Pour le reste, j’assure ».
Si Alain Préaux tient le coup, c’est parce que la passion l’anime. Il a grandi dans l’ombre de Jeanne d’Arc. A 15 ans, il faisait déjà le guide. « Le musée a été créé en 1953. Par Roger Parment, un journaliste de Liberté Dimanche. Il a emménagé place du Vieux-Marché deux ans plus tard. Le bâtiment a été construit de toutes pièces. A l’époque, il n’y avait qu’un trou, laissé par les bombardements de la guerre. Puis Roger Parment a fait appel à mon père André pour s’occuper du musée. Il est arrivé en 1959, et il a fini par racheter toutes les parts ». Quand son père est parti à la retraite, Alain Préaux a lâché son job de ship lander chez un avitailleur du port de Rouen pour prendre les rênes du musée. « C’était il y a 33 ans »… 33 ans pendant lesquels il n’a cessé d’enrichir la collection. Une collection qu’il n’aura aucun mal à céder s’il ne trouve preneur que pour les murs. « Je la vendrais soit à des villes johanniques (Reims, Orléans, Domrémy, etc), soit à des privés ». Tout en parlant, Alain Préaux rend la monnaie à des Britanniques qui, début octobre, viennent encore acheter des souvenirs. « Les touristes viennent pour deux choses à Rouen : la cathédrale de Monet et Jeanne d’Arc ». « Nous reviendrons, pour sûr ! », a écrit une visiteuse dans le Livre d’or. Il va falloir qu’elle se dépêche…
GILLES LAMY
g.lamy@presse-normande.com